INDIA. " Tchaï Tchaï Tchaï "
Posté le Jeudi 13 Novembre 2014

 

« Tchaï Tchaï Tchaï »

 
Tel est l'un des sons les plus répandus en Inde. En fait, j'ai appris à faire du Tchaï avant d'aller dans ce pays dont il est origniaire.

Avec ces 7 ébullitions, c'était un peu la potion magique de notre enfance et c'est sur un festival qu'un vieux baba cool m'a transmis sa recette.

Avec mon compagnon de l'époque, nous étions à peine majeur quand nous nous lançâmes dans un périple autour de la France, en Espagne et jusqu'au Maroc en camion cette année là. Notre gagne pain? Le Tchaï, ou thé au lait et aux épices indiennes. Ultra nutritif et délicieux, je me souviens du fumé s'échappant du petit réchaud de fortune et qui était devenu le parfum imparable de notre habitat mobile. A chaque arrivée sur les camping des festivals, nous sortions nos coussins, nos tentures, nos cuirs peints, nos bijoux et notre petite pancarte : « Tchaï 1 franc » . Il y avait de l'ambiance sous notre bâche tendue.

 

Quelques années plus tard, je découvris le Tchaï sur les toits du monde à Katmandou où il est servi dans la rue et sur les terrasses avec une vue sur la chaîne de montagnes enneigées la plus majestueuse au monde. Il y a autant de Tchaï que de personnes et le dosage est toujours différent en fonction de la proportion que prennent les ingrédients. Il faut dire qu'en France c'est sûrement le Tchaï de luxe que nous avons la possibilité de faire, sans économie sur le raffinement, alors qu'en Inde il prend parfois la place d'un repas et se résume à du thé noir ultra concentré, de l'eau et quelques gouttes de lait.

 

Je me souviens de ce quai de gare dans un coin vraiment reculé où mon train a eu 7 heures de retard. Une constante en Inde et dire que l'usagé français se plaint de la SNCF... Dans cette province pauvre, entre le lieu de l'illumination du Boudha Budhgaya et Calcutta, je me suis donc retrouvée à attendre un train de plus en plus hypothétique un partie de la nuit, ce qui n'était pas prévue au programme. Gagnée par la fatigue, ayant écumé mes cartes postales de Parrrris Eiffel Tower (qui provoquèrent à certaines heures de véritables attroupements enthousiastes et curieux), je me cramponnais à mon sac en essayant vainement de m'y assoupir, sur le qui-vive et en proie à quelques nervosités. Sur ce quai le plus souvent désert et mal éclairé, gagné peu à peu par l’obscurité et les bruits inconnus, j’eus à déjouer les regards insistants de certains hommes impudiques, me frayer un passage dans des foules folles et attendre sans aucune information. De cette nuit aux aguets, je me souviens être restée au plus près du vendeur de Tchaï qui faisait crépiter le fameux mélange dans un pot de terre cuite prêt pour le prochain arrivage de voyageurs. La tradition de cet état ressemble à celle des Grecs, dès le breuvage bu, son petit pot fait main est balancé sur les rails où il se fracasse. Des éclats de poteries jonchent les sillons et s'en retournent à la terre.

 
Plutôt que d'extraire la recette du Tchaï d'un livre, je vous propose la recette de mon Tchaï, celui qui a fait des émules sur les routes.

 
2 tiers de lait pour 1 tiers d'eau dans une large casserole

ex : 2 litres de lait pour un litre d'eau si vous voulez servir une belle tasse à une dizaine de personnes

 
Prendre du thé noir en boule dans un magasin Chinois et l’émietter dans le liquide dont il va déjà l'imprégner de sa saveur

 
Découper des morceaux de gingembre frais et idem les déposer au fond pour qu'ils commencent à distiller leur arôme. Le plus simple est encore d'utiliser une poudre de gingembre pour répéter le dosage. Un Tchaï peut être plus ou moins fort en gingembre, pour ma part je préfère qu'il soit plus accentué Gingembre que Cannelle.

 
Le Thé comme le Gingembre étant des excitants, ce n'est pas l'idéal pour la recherche d'un sommeil de plomb. De plus, même si le lait endort, il est aussi dur à digérer. Le Tchaï, souvent servi en dessert, pourrait plutôt trouver sa place en milieu de journée, 3 heures après le déjeuner dans une perspective plus saine et nutritionniste.

 
L'autre ingrédient phare est la cardamone. Soit la trouver en poudre délicieuse soit ouvrir les gaines à la main et répandre les graines noires qui se trouvent à l'intérieur. Y aller franchement car elles aussi mettront du temps avant de libérer tout leur potentiel et leur saveur est majeure dans le Tchaï.

 
Saupoudrer le mélange de cannelle dans une proportion un peu moindre par rapport au gingembre mais presque équivalente car Gingembre et Cannelle constituent le couple de base du Tchaï. Idem, si les battons de cannelle ont un arôme plus fort que la poudre, leur consistance étant dure, ils n'auront pas le temps d'imbiber le liquide car le lait monte vite en ébullition. La solution serait sans doute d’imprégner l'eau au départ et de la rajouter au lait mais j'ai toujours trouver plus simple d'ajouter au fur et à mesure les ingrédients, souvent par manque de temps (il fallait en faire du Tchaï sur les festival aux heures de pointes!) mais aussi pour avoir bien en tête l'esprit du Tchaï du jour avec sa dose d’aléatoire et d'inspiration. J'ai souvent trouvé plus simple de partir d'un protocole et d'un ordre qui suivait plus l'importance des proportion plutôt que leur temps d'imprégnation.

Mon Tchaï est fort en théine et en gingembre et en cardamone, donc je commence par le thé, le gingembre et la cardamone et ensuite j'agrémente.

 
Après l'étape Cannelle, il est possible de continuer dans le mélange de beaux marrons qui commencent à teinter le lait en y ajoutant de la poudre de clous de girofle. C'est aussi une pratique d'esthète, surtout si d'un coup de spatule les poudres se mettent à dessiner des spirales. Idem, les clous de girofles entiers demanderont plus de temps pour libérer leur arôme qu'une poudre. Il s'agit là de saupoudrer légèrement la surface car le goût n'est pas anodin, il est même très fort, ce n'est pas ce que nous recherchons, plus une demie-teinte supplémentaire.

 
De la même façon, il est possible de surprendre en faisant varier son Tchaï avec quelques éléments d'anis étoilée, comme un arrière-goût subtile. Pour le coup, le fait d'introduire une ou deux étoiles aux côté des poudres solubles des autres ingrédients, garantit la non imprégnation d'un goût trop accentué. Essayer avec et sans. Personnellement, je préfère sans mais les goûts et les couleurs ! Et la recherche de variation sur le même thème est toujours louable.

 
Concernant le sucre roux, je vous conseille la marque Mascobado Bio des Philippines proposée par les Artisans du Monde (possibilité de commander en ligne : http://www.boutique-artisans-du-monde.com/epicerie.html?p=2 ), pionniers du commerce équitable depuis 40 ans en France. Il ne s'agit pas de saturer la saveur du Tchaï avec du sucre mais de lui donner une teinte sucrée légère et atténuer les petites amertumes. Le fait d'en mettre un peu au départ permet qu'il caramélise durant la chauffe, puis de réajuster en goûtant au fur et à mesure.

 
Bien tourner l'ensemble et commencer par chauffer à feu doux. Éviter de couvrir car le mélange va chauffer trop vite et le lait va déborder sans avoir pu s’imprégner des éléments. Une couverture partielle peut être intéressante à condition de soulever régulièrement le couvercle pour touiller avec une spatule en bois la casserole qui devra être plutôt en cuivre qu'en tefal.

 
Ici nous privilégions la lenteur d'incubation plutôt que l’ébullition à tous prix, une philosophie transposable à plusieurs niveaux.

 
Bien sûr, la nourriture ne saurait être sacrée sans la tradition. L'idéal est de porter l'ensemble à ébullition 7 fois donc, laissant s'échapper les effluves dans votre habitat qui sera imprégné des Indes pour longtemps.

 

© sandradaveau.com

 

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